Etienne Mimard, Manufrance et l'enseignement professionnel
Brigitte Carrier-Reynaud, maître de conférences en histoire contemporaine, université Jean Monnet, Saint-Etienne, centre de recherches EVS-ISTHME, UMR 5600 CNRS
Par son testament en date du 30 juin 1941, Etienne Mimard fait de la ville de Saint-Etienne sa légataire universelle. L’un des objectifs qu’il se fixe en prenant cette décision originale, outre le développement de la Manufacture Française d’Armes et Cycles qu’il a fondée un demi-siècle plus tôt avec Pierre Blachon, est « l’amélioration de l’instruction et de l’éducation professionnelle à Saint-Etienne, et leur diffusion entre le plus grand nombre possible de jeunes gens »1. Mimard développe longuement ses idées en la matière, et expose avec un luxe de détails les mesures et dispositions à prendre pour faire de l’enseignement professionnel stéphanois un modèle du genre. Du contenu des études aux recommandations sur l’hygiène, des bourses à distribuer aux élèves au nombre et à la couleur des vêtements qui doivent leur être fournis, rien n’est laissé au hasard pour faire du legs l’instrument d’un projet ambitieux. Le but à atteindre est en effet non seulement de former des ouvriers compétents, habiles et instruits, mais aussi des hommes complets, à la morale et au civisme irréprochables.
Ce testament vient couronner un engagement de longue date au service de l’enseignement professionnel : Etienne Mimard, et avant lui Pierre Blachon, se sont en effet tout au long de leur carrière d’entrepreneurs intéressés à la cause de la formation des ouvriers, notamment à travers les liens étroits entretenus avec l’Ecole Pratique de Commerce et d’Industrie, future Ecole Nationale Professionnelle. Pour autant, il semble que cette implication ne se soit pas traduite par une « politique-maison » très originale en matière de recrutement et de formation de la main d’œuvre ; les idéaux d’Etienne Mimard, tels qu’il les exprime à la fin de sa vie dans son testament, n’ont guère été mis en œuvre par des actions concrètes au sein de la Manufacture Française d’Armes et Cycles.
En analysant le discours de Mimard et en étudiant quelles actions il a développées dans sa ville et dans son entreprise, on cherchera ainsi à comprendre les modalités et les raisons de son intérêt pour l’enseignement professionnel et à replacer celui-ci dans le cadre plus large de sa vision de l’industrie et de la société.