L'Horme : octobre 1952-juillet 1956
Elise Laplace, institutrice à Saint-Etienne et dans les alentours, raconte ses débuts dans la profession en 1952.
Les circonstances de ma vie m'amenèrent à solliciter, en septembre, un poste avec logement à l'école de filles de l'Horme, où je pris le seul poste vacant : la section enfantine. Je compris vite pourquoi personne ne voulait de cette classe. Je n'eus qu'à me féliciter d'avoir une directrice telle que Mme Bonnard et pour collègues Mme Nambontin et Mme Marrel qui devint mon amie... mais il y avait 100 oui 100 élèves de 2 à 5 ans inscrits en section enfantine.
Le local était une classe normale logée au rez-de-chaussée éclairée d'un côté par deux fenêtres sur les arbres, et sur l'autre côté vue sur le préau et l'enfilade des cabinets. Pas d'équipement spécial pour les petits. Nous devions, la femme de service et moi, veiller au passage des élèves, bien alignés, dans ces lieux dangereux. C'est ainsi, qu'un jour, une petite fille se coinça un pied dans le trou. Nous eûmes toutes les peines du monde à récupérer sa chaussure et dégager son pied.
La classe n'était guère mieux équipée. Pas de meubles de maternelle. Comment asseoir les enfants présents ? Régulièrement ils étaient de 50 à 70 ! Et la maîtresse du CP avait les 5 à 6 en complément de son effectif. M. Marion, l'inspecteur, disait que nous n'avions pas des classes mais des "parquages" d'enfants. Il refusa d'ailleurs d'y faire passer la pratique du CAP à une suppléante.
Je me suis, plus tard, demandé parfois si mon imagination ne me jouait pas des tours, jusqu'au jour où je lus dans le journal un compte-rendu d'une interview de Mme Barlet qui fut institutrice à Roche-la-Molière. Elle avait eu, elle aussi, plus de 100 élèves en section enfantine "ce qui n'était pas rare à l'époque" disait-elle.
L'année suivante, une classe fut créée. Mme Marrel put abandonner ses 5 à 6 ans. Pour laisser à Mlle Escoffier, une classe dans l'école, elle dut s'expatrier dans une salle de la mairie et faire les récréations sur la place avec le CP de l'école de garçons. Une école maternelle était en construction. Trois classes y ouvrirent à la rentrée de 1956. Je n'y suivis pas mes petits. Je restai à l'école de filles où je pris dans le même local le CE1-CE2 puis le CE2-CM1.
Aujourd'hui ce serait la révolution s'il y avait de tels effectifs. J'y suis restée quatre ans avec des enfants pleins de vie.
Te souviens-tu Néné de ce jour où tu as tiré le pantalon de M. Marion pour lui demander "Où tu l'as mis ton sac ?"
Elise Laplace
Octobre 2015