Brevet Supérieur ou Brevet de Capacité pour l'Enseignement Primaire
Elise Laplace, institutrice à Saint-Etienne et dans les alentours à partir de 1945, raconte sa formation d'institutrice pendant la dernière guerre.
Le Brevet Supérieur (BS) sanctionnait la fin des études à l'Ecole Normale (EN), après trois années de cours, avant la formation pédagogique. Les classes de BS fonctionnaient dans les Ecoles Primaires Supérieures (EPS) pour les élèves qui, pour une raison ou pour une autre, ne fréquentaient pas l'Ecole Normale (EN). Celles-ci, considérées comme communautaires (elles fonctionnaient suivant le régime de l'internat), furent supprimées en 1941 par l'Etat Français. Les normaliens durent intégrer les lycées où, dans des sections spéciales, ils préparèrent le baccalauréat. Le BS, devenu inutile, fut supprimé à son tour. Il continua à fonctionner jusqu'en 1945, pour ceux qui s'étaient engagés dans cette voie.
J'appartiens à l'avant-dernière promotion, la promotion 1941-1944. On accédait à la section BS après la troisième année d'EPS et l'obtention du Brevet Elementaire et du Brevet de l'Enseignement Primaire Supérieur passés à 16 ans, après une scolarité de dix années : six de primaire, quatre de primaire supérieure.
La grande majorité des élèves entrait alors dans la vie active, quelques-uns choisissaient de préparer le difficile concours d'entrée à l'Ecole Normale, dans une classe spéciale, ou d'intégrer la première année de BS. C'est ainsi qu'en 1941, nous nous retrouvâmes à 19 dans la classe de BS première année :
- six dont je faisais partie venant de troisième
- six venant de la classe spéciale de préparation au concours d'entrée à l'EN
- sept venant d'autres EPS, ou de cours complémentaires, où elles avaient aussi été candidates à l'EN
Nous terminâmes les années BS, 19. Chacune des années se terminait par un examen. A chacun d'entre eux, nous devions présenter, je ne sais plus dans quel ordre, un travail personnel : herbier, collection de minéraux, collection d'insectes. L'examen en fin de première année était oral, mais je ne conserve que le souvenir de l'histoire où je tirai la Grèce du VIe siècle. J'eus de la chance car j'adorais le sujet. Le travail en laboratoire fut une dissection dont j'ai oublié le sujet. Ma mémoire est un peu plus fidèle en ce qui concerne la deuxième partie car il y avait une épreuve maîtresse : les mathématiques. Nous eûmes à résoudre :
- un problème d'algèbre
- deux problèmes de géométrie plane et de géométrie dans l'espace
- traiter une question de cours
Ce fut la géométrie dans l'espace. Elle eut trait au volume de la sphère. A cela s'ajoutèrent d'autres épreuves. Je garde seulement le souvenir d'une manipulation en laboratoire, physique ou chimie, suivant un tirage au sort individuel.
Je me souviens, par contre, des épreuves de la troisième partie, le poids lourd de l'examen. Elles débutèrent par une dissertation de philosophie sur une pensée de Vauvenargues, complétée par une orientation pédagogique (la pédagogie faisait partie de la troisième année de BS) Suivit une dissertation de français sur une autre pensée de Vauvenargues. "Attention, nous dit gentiment la surveillante, ce n'est plus de la philo".
Puis arriva l'épreuve de sciences naturelles, comme on disait alors ; elle avait trait à l'alcoolisme. Un problème de chimie sur la fermentation alcoolique la complétait.
Une manipulation individuelle en laboratoire, en physique ou chimie, complétait le dossier sciences. Dans les épreuves poids lourds de l'examen, l'anglais tenait une place originale importante. Nous présentâmes chacune à notre tour, notre programme et travail de l'année : la traduction, notée sur un cahier, d'une édition de David Copperfield. L'examinateur, après vérification du travail écrit, nous invita à lire, traduire une page qu'il choisissait. Des questions de vocabulaire ou de grammaire s'y greffèrent.
La musique était invitée à l'examen. Cette matière comportait :
- une dictée musicale
- des questions de cours sur la théorie musicale
- du solfège sur une des chansons présentées, et interprétation du chant.
Pour moi, ce fut Lauterbach. 71 ans plus tard, je sais encore les notes par coeur!
Un autre poids lourd en temps, de l'examen, était l'épreuve de dessin. Nous eûmes trois heures pour deux dessins :
- un croquis coté à une échelle donnée d'un fer à repasser qui était là, sous nos yeux, et dont les dimensions réelles étaient indiquées. A nous d'en réaliser la coupe, le profil, l'élévation, le plan.
- le dessin à vue d'un globe terrestre, un coquillage, un journal ouvert posés sur une table recouverte d'un tapis (sujet exact).
Nous étions installées autour de ces éléments. L'épreuve terminée, les dessins et les objets restèrent sur place. Les examinateurs se déplacèrent par la suite d'un bureau à l'autre pour noter. Examen costaud! Auquel manquaient néanmoins deux matières enseignées dans l'année : la sociologie et la cosmographie. Je ne crois pas, non plus, que nous participâmes à des épreuves d'éducation physique. L'année avait été écourtée en raison de la situation du pays.
Le 26 mai, c'est sous le bombardement que nous attendîmes, dans les caves de l'école, les résultats de l'examen. Nous avions toutes réussi. Quelques-unes, dont des cracks, avaient dû repasser les mathématiques car pour avoir le BS il fallait avoir une note supérieure ou égale à 10 dans toutes les épreuves. Si, par malchance (il n'y avait pas de mauvaises élèves dans la classe), on ratait l'une d'elles, il fallait la repasser à la session suivante. Et la malchance ne jouait pas une seconde fois! Et personne n'avait, comme aujourd'hui au bac, 21/20.
15 c'était l'excellence! Ce qui me semble plus conforme à la réalité des choses. Les horaires des journées de classe étaient les mêmes durant toute la semaine ; début des cours à 8h le matin, 14h l'après midi, fin des cours à 12h le matin, 17h (je ne me souviens plus exactement 17h, 17h30) le soir.
Il y avait tellement de matières au programme! Je crois me souvenir que la couture, l'enseignement ménager en faisaient partie.