Enfants des CLIS du Soleil, bonjour

Elise Laplace, institutrice à partir des années 1940 à Saint-Etienne et dans les alentours, raconte la vie des enfants depuis les années 1930.

Vous m'avez demandé, chères petites têtes brunes venues d'ailleurs : "y-avait-il des ordinateurs? Et la télévision?"

Vous ne pouvez pas imaginer, enfants du XXIe siècle, la vie que j'ai connue dans mon enfance sans ces objets qui vous sont familiers : ordinateurs, tablettes, jeux video, téléphone portable, télévision, écouteurs. Chez mes parents, comme partout, il n'y avait même pas de téléphone fixe. J'avais sept ans lorsque le premier poste de radio (la TSF) est entré à la maison. C'était un gros appareil. Quelques familles possédaient un phonographe et des disques. Pas la mienne.

A l'école on trouvait le guide-chant, sorte de piano portatif que les maîtres utilisaient pour apprendre les chants. Eux seuls frappaient les touches. Parfois un élève actionnait la manette du soufflet. Quelquefois, des petits films ou des diapositives étaient projetés si l'école possédait un petit projecteur ou un passe-diapo.

Quand je suis devenue maîtresse, le premier appareil que j'ai introduit à l'école fut un poste de radio. C'était en 1968 pour écouter la cérémonie d'ouverture, à Grenoble, des Jeux Olympiques d'hiver. Tous les enfants savaient qu'une ancienne élève de l'école, Christiane Lillio, devenue miss France, résidant à Maugara, y assistait. Ce fut un cri de surprise joyeuse lorsque le speaker annonça : " Des fleurs déversées sur l'arène." Les enfants confondaient l'arène et la reine ! Elles imaginaient notre reine de beauté ensevelie sous les pétales de roses. Je rompis le charme en enrichissant leur vocabulaire.

Quant aux ordinateurs, ce fut en 1954 que je vis le premier, au pavillon de l'URSS, à la foire de Lyon. Il était exposé dans une grande salle dont il occupait la majeure partie. Rien à voir avec les ordinateurs que nous connaissons. C'était un bloc formé de plusieurs caissons avec boutons, écrans, d'une dizaine de mètres sur 1,5 de hauteur. Il était utilisé par des savants, car ce calculateur était capable de faire plusieurs centaines d'opérations à la seconde. On lui doit ainsi qu'à ses successeurs bien des progrès dans les sciences.

Heureusement, on ne passe pas toute la journée à l'école. Que faisaient donc les enfants dans ces longues soirées régies par l'heure GMT (la nuit tombait une heure plus tôt à l'horloge), l'hiver s'entend ? Mais à 20 heures, tous les enfants étaient au lit! Devoirs faits, leçons apprises, les filles apprenaient de leurs mères à coudre, tricoter, crocheter, broder, faire du point de croix.

Tous les enfants lisaient. Les illustrés favoris des filles étaient :

  • Lisette, celui qu'on m'achetait
  • La semaine de Suzette et ses aventures de Bécassine
  • Fillette qui narrait en BD les aventures de Nigaude et Malicette.

Les garçons se précipitaient sur :

  • L'Epatant et ses histoires des Pieds nickelés ou celle d'Isidore Flapi athlète complet
  • L'Intrépide et son Bibi Fricotin

Il y avait aussi des albums tels les aventures de Gédéon le canard par Rabier ou les premiers Tintin d'Hergé. On empruntait aussi des livres aux bibliothèques scolaires. Je garde quant à moi le souvenir des Patins d'argent, des livres d'Hector Malot : Sans Famille, Romain Kalbris. Heureusement ils restèrent là pendant l'Occupation où tous les journaux enfantins disparurent.

Les jouets tenaient une grande place dans la vie des enfants. La poupée avait la vedette chez les filles. Elle était souvent fragile avec sa tête en porcelaine et ses membres articulés. Puis apparurent les baigneurs qu'on appelait aussi "bébés nageurs", en celluloïd, plus faciles à manipuler et plus résistants. Une ménagère en fer galvanisé accompagnait les activités de "petite maman" : service de table, plats, casseroles que l'on imaginait chauffant sur un petit fourneau métallique.

Les garçons avaient des jeux de construction en bois pour les plus petits. Certains recouverts de six gravures découpées collées sur leurs faces étaient des puzzles simples. Les grands possédaient des "Meccano" qui permettaient par leurs combinaisons de pièces mécaniques variées de réaliser des assemblages tenus par des vis et des écrous minuscules. Quelle fierté d'avoir construit une voiture, une grue! Pour les plus belliqueux il y avait les soldats de plomb... à moins que le père n'opposât un veto.

Parfois la famille se réunissait autour d'un jeu de société : cartes, loto, domino, jeu de dames, jeu de l'oie etc... Et ainsi s'achevait la soirée.

Elise Laplace

Août 2015