Roger Rocher au contact de la culture ouvrière (1920-1946)

Le 6 février 1920, Roger Rocher naît à Champlost dans l'Yonne. Très rapidement, ses parents, originaires du Puy, s'installent à Saint-Étienne avec leurs cinq enfants. En 1928, son père, Gaston Romulus, crée une carrière dans le quartier minier de l'Éparre, tandis que sa mère gère l'épicerie buvette familiale tout près de l'exploitation. En 1936, le jeune Roger quitte l'école le Certificat d'Études en poche et souhaite travailler avec son père. Mais ce dernier refuse. Très autoritaire, il lui explique qu'il ne rentrera pas par la grande porte dans la carrière sous prétexte qu'il est le fils du patron et lui conseille, pour s'aguerrir, d'embrasser le rude métier de mineur de fond que Roger exercera donc entre sa seizième et sa vingt-sixième année. Il déclarera d'ailleurs par la suite : "Dix ans au fond, ça vaut toutes les universités"(6). En 1946, en collaboration avec son frère aîné Claude, il prend la direction de la carrière de son père malade qu'il rebaptise Société Forézienne de Travaux Publics (SFTP).

Au plan sportif, Gaston pratiquait, avant et après la première guerre mondiale, la boxe, l'aviation et surtout le motocyclisme ; il était d'ailleurs détenteur d'un record du monde de l'heure dans cette discipline sur l'anneau de vitesse de Montléry. En 1934, son fils Roger pratique le vélo sur piste au Vel d'Hiv de Saint-Étienne ainsi que le basket et le football. En 1946, il crée le club de l'AS des Petites Mines dans lesquelles il travaillait, en prend la présidence et inscrit son équipe en championnat FSGT. Toutefois, sa carrière de joueur reste cependant modeste(7).

Au travers de cette brève présentation, on comprend que, face à ce père autoritaire, ayant des sympathies politiques à gauche(8) et une profonde admiration pour la culture ouvrière, Roger Rocher ne pouvait pas compter sur son seul statut de fils de patron pour mener à bien sa carrière. En revanche, l'héritage familial ascétique lié à un idéal de la formation sur le tas et au culte du travail bien fait lui donne le goût du défit qui fera de lui un autodidacte, un "self made man" et un manager hors pair (hors père)(9). Par ailleurs, il héritera de son entourage le sens de l'éclectisme politique(10).

Pour toutes ces raisons, très tôt, dans son métier de mineur comme dans son investissement sportif, on lui reconnaît des qualités de meneur d'hommes et de formateur qu'il aura l'occasion d'affirmer encore davantage durant les années cinquante, soixante et soixante-dix.