Sainté et le Tour, les coulisses

La caravane : le carnaval quotidien du Tour 

Avant la création de la caravane, les constructeurs de cycles financent la logistique et l'hébergement des gens du Tour. La caravane publicitaire est créée officiellement pour l'édition 1930 afin de financer l'épreuve, le système des équipes nationales remplaçant les équipes de marques. En échange d'un droit d'entrée, des firmes industrielles ou commerciales représentées par des véhicules qui précèdent la course proposent des animations et distribuent divers objets. Les premières marques célèbres sont le " chocolat Menier ", " La vache qui rit ", l'alcool de menthe " Riqlès ", l'apéritif " Pernod " ou les cigarettes " Lucky Strike ".

Devant la notoriété croissante de la caravane, les marques affluent : 6 véhicules en 1930, 25 en 1939, 211 en 1995. De nos jours, les firmes alimentaires sont toujours présentes (Coca-Cola, Café de Colombie) mais les marques automobiles (Peugeot puis Fiat), les sociétés de service (Crédit Lyonnais, AGF), les organismes de services public (PMU, Française des Jeux, France Télécom) investissent aussi dans la Grande boucle.

Perrier devient un sponsor phare de l'épreuve. La célèbre et traditionnelle photographie du vainqueur se rafraîchissant avec " un Perrier " traverse les décennies 1950-1980. En 1985, mondialisation oblige, Coca-Cola remplace l'eau gazeuse française. Actuellement, Coca-Cola, le Crédit Lyonnais, Fiat et les supermarchés Champion sont les partenaires majeurs d'une épreuve qui n'est pas commercialement affectée par les scandales du dopage.
La caravane prend une telle ampleur qu'un village-départ est créé en 1988. L'organisateur rassemble les sponsors, les personnalités locales, les coureurs, les journalistes et les organisateurs dans une enceinte fermée. Le " village du Tour " a accueilli 200 personnes chaque matin en 1995.

Pour la Société du Tour de France, la caravane est devenue indispensable : elle aide dans une large partie au financement de l'épreuve et anime l'avant passage des coureurs.

Le Tour : un espace de fête 

Pour se pérenniser et grandir, Henri Desgrange a compris que son épreuve a besoin de lieux mythiques et de héros. Les journalistes de L'Auto et de la presse écrite les fabriquent. Les références littéraires, artistiques, mythologiques se multiplient. Aragon qualifie le Tour de France de " grand rite tous les ans renouvelé ". L'arrivée de la radio en 1929 marque une étape importante dans la médiatisation de l'épreuve. En 1932, elle couvre l'ascension de l'Aubisque puis en 1938 celle de l'Iseran. Très vite, la télévision et le cinéma s'intéressent au Tour et permettent au public de suivre les exploits des coureurs.

Dès la reprise, en 1947, le Tour s'affirme comme le grand événement de l'été. Sous l'impulsion de Jacques Goddet, le Tour devient une fête à part entière proposant " sur la place publique un spectacle (...) ouvert au public gratuitement ". Sous le patronage de radios comme Europe n°1, des artistes de renom se produisent les soirs d'étapes. A Saint-Etienne, la " championne du monde d'accordéon ", Yvette Horner ouvre le bal place de l'Hôtel de ville en 1953. Charles Trenet lui succède en 1959, en compagnie des Compagnons de la chanson et de l'Ange Blanc, le redoutable catcheur. Richard Anthony et Simone Langlois animent la soirée " Butagaz-Propagaz " deux ans plus tard. L'édition de 1966 accueille Annie Cordy, celle de 1971 les Parisiennes, Stéphane Reggiani, et le duo comique Roger Pierre et Jean-Marc Thibault à la Plaine Achille. En 1980, l'imitateur Pierre Douglas, Garcimore et le " champion d'Europe d'accordéon " Bernard Marly se produisent sur la scène stéphanoise. Enfin, Hervé Vilard fête ses 40 ans place de l'Hôtel de ville en 1983.

A partir des années 80, ces spectacles tendent à disparaître ; le public leur préfère des loisirs plus élitistes. Signe du changement, en 1986 Valéry Giscard d'Estaing, en présence de Michel Rocard, donne le départ de la course. Les hommes politiques se montrent sur les routes françaises, ce qui fait dire à Antoine Blondin, " le Tour, renvoyant dos à dos la formule des marques publicitaires et celle des formations nationales, se courra tout bonnement par équipe de groupes parlementaires " !

Une organisation dantesque 

Pour accueillir le Tour de France, une ville doit obligatoirement réunir quelques moyens :

  • Infrastructure hôtelière d'environ 1800 lits dans un rayon de 20 kilomètres,
  • Logistique suffisante en hommes et en matériel,
  • Equipements nécessaires proches de la ligne d'arrivée pour la salle de presse,
  • Aire de stationnement pour la caravane publicitaire... etc.

Tout commence avec le dépôt d'une candidature adressée un an et demi à deux ans avant le déroulement de l'épreuve à la société du Tour de France sans pour autant avoir l'assurance que sa demande sera prise en considération. C'est ainsi que la candidature de Saint-Etienne ne fut pas retenue en 1989, déception effacée dès l'année suivante avec l'étape Villard-de-Lans - Saint-Etienne. Chaque ville est tributaire des choix arrêtés par le responsable du tracé, celui qui passe " son temps à dessiner des hexagones, des hexagones à lui " (dixit Erik Orsenna), tout en respectant certains équilibres entre les étapes de plaine, de montagne et les contre-la-montre pour un kilométrage inférieur à 4000 km.

Une ville qui voit sa candidature retenue signe une convention avec la Société du Tour de France. Cette dernière dresse aussitôt l'organisation technique et matérielle du Tour. La société du Tour adresse à chacune des villes étapes un " dossier villes " composé de fiches types. Elle lui demande également quelques photos, un dossier touristique et un édito pour la réalisation du guide du Tour.

Quant à l'organisation, la société du Tour est chargée notamment de l'installation de la tribune des télévisions et de la caravane ; elle est aussi responsable du dernier kilomètre de l'étape : flamme rouge, banderole arrivée, installation des barrières - pour les 600 derniers mètres seulement. La ville assure " par défaut " tout ce qui ne relève pas de la compétence de la société :

  • Le barrièrage complémentaire nécessaire à la bonne organisation de l'arrivée.
  • La prise en charge de frais relatifs aux branchements électriques provisoires et aux consommations de courant nécessaires aux diverses installations.
  • La sécurisation des carrefours dangereux avec des bottes de paille.
  • La mise en place des fléchages et signalisations diverses.
  • La prise d'arrêtés municipaux pour interdire le stationnement et la circulation sur le parcours intra-urbain.
  • La mise à disposition d'équipements pour la salle de presse.
  • La participation d'un service d'ordre local... etc.

C'est donc une organisation difficile à mettre en place qui reposera sur un travail partenarial de tous les instants pour coordonner les actions respectives et établir avec précision le déroulement chronologique des manifestations.

Le Commissaire général de la Société du Tour de France rencontrera les membres de l'organisation locale ; quant à la ville, elle réunira tous ceux qui ont une responsabilité dans l'organisation de l'événement : préfets, officiers de police, de gendarmerie, de sapeurs-pompiers, responsables des services municipaux, E.D.F., France-Telecom...

Deux à quatre mois avant le jour de l'étape et après diverses réunions d'information, le Commissaire général adressera à la ville les documents et plans de travail réalisés d'un commun accord. Tout est enfin prévu pour accueillir le Tour de France avec sa caravane publicitaire (environ 3300 personnes) et les équipes de neuf coureurs participant à l'épreuve (actuellement vingt-et-une équipes).

Une procédure longue et compliquée à laquelle notre ville a souscrit à de nombreuses reprises. Mais le jeu en vaut la chandelle !
Pendant deux à trois jours, notre ville a fait la une des journaux télévisés, des radios, de la presse écrite ; le spectacle a attiré des milliers d'amoureux du vélo, les hôteliers, barmen et restaurateurs ont réalisé un chiffre d'affaires exceptionnel.