Rue Pélissier
Une chronique extra-vagante de François Maguin.
François Maguin a toujours habité Saint-Étienne. Cet opiniâtre dilettante aime à s'y promener et à en traquer les mystères. Dans ses textes courts, il chronique éblouissements modestes, anecdotes plus ou moins véridiques ou rencontres inopinées. Cette prose, entre rêve et réalité, invite les lecteurs à poser un autre regard sur le quotidien et à approcher toute la magie qui s'y dissimule.
Mardi 25 avril 2017
Du Platon à la place Saint-Roch, la petite rue Pélissier offre un court passage rectiligne et agréable. Devant le Resto’Van, un livreur a déposé aujourd’hui tout un vrac de bûches qui déborde sur la voirie. L’odeur ligneuse qui s’en dégage apporte dans la ville l’esprit de la forêt. Cet aimable désordre ranime bien des images passées. À Saint-Étienne, autrefois, on voyait en effet, dès le printemps, la voirie encombrée de ces dépôts de rondins et de charbon destinés à refaire des réserves pour affronter les rigueurs de l’hiver à venir. Ils étaient déversés du haut de tombereaux, parfois encore traînés par de malheureuses haridelles, et encombraient les trottoirs, forçant les passants bougonnant à descendre sur la chaussée. Ensuite, les voisins remplissaient le bûcher dans la cour ou engouffraient la houille, avec des pelles et des jurons, dans les soupiraux qui bayaient au pied des murs, pour leur faire rejoindre les caves obscures où attendre les frimas. Gaz et électricité ont remplacé maintenant ce bois qui va plutôt alimenter le four du restaurant tout proche, mais il aura, entre temps, réchauffé le cœur des vieillards du quartier en ranimant, un instant, les douces flammes de souvenirs qu’on croyait disparus.