La sidérurgie française
Avant de pousser le portail des usines ligériennes, et pour les mieux situer, un état des lieux de la sidérurgie française avant la mise en oeuvre du convertisseur basique s'impose. Cette sidérurgie reste fortement basée sur la production de fer.
Restée majoritaire en tonnage jusqu'en 1860 (production de fonte au bois et de fers affinés ou puddlés localisée sur le minerai en Champagne, Berry, Franche-Comté...), la sidérurgie traditionnelle régresse alors fortement au profit des forges à l'anglaise, grosses usines concentrées souvent apparues à la Restauration mais "dopées" sous le Second Empire par la réalisation du réseau ferré. Leur produit vedette est le rail de fer, pièce d'usure qu'il faut fréquemment renouveler. Ces forges utilisent les hauts fourneaux au coke et obtiennent leurs fers par puddlage et laminage. Elles sont localisées sur la houille, dans la Loire, le Gard, la Saône-et-Loire, l'Allier, le Nord et la Moselle.
Le fer n'est pas l'acier. Ce métal, plus carburé, est obtenu en France par cémentation et fusion depuis le transfert de technologie opéré depuis la Grande-Bretagne par James Jackson en 1815. Il est la spécialité des usines ligériennes (Assailly, Unieux) qui fournissent la moitié de la production nationale. Mais les tonnages sont très faibles et le prix très élevé. L'acier puddlé est produit régulièrement à partir de 1855, grâce à une meilleure maîtrise de la technique du puddlage, opération qu'il convient d'arrêter avant la complète décarburation du métal. Mais l'acier puddlé manque de régularité.
Deux inventions vont bouleverser ce paysage. Le procédé Bessemer consiste à décarburer la fonte liquide en projetant dans sa masse un vif courant d'air comprimé. Les brevets anglais sont déposés en1855 mais le détail n'est vraiment au point que cinq ans plus tard. Le premier convertisseur français est installé par William Jackson à Saint-Seurin près de Libourne en 1858. Les entreprises du Centre suivent rapidement, telles Assailly, Terrenoire, Bessèges, Imphy. Le métal Bessemer est produit en grandes quantités (5 t par convertisseur au début), il convient à la production d'aciers de construction et de rails durables. En revanche, il exige la mise en oeuvre de minerais purs, comme ceux de Mokta el Hadid - société avec laquelle les sidérurgistes de la Loire passent rapidement des marchés - ou des Pyrénées.
Le procédé Martin-Siemens apparaît en 1867. La fusion de l'acier sur sole est permise par les hautes températures que l'on obtient du four à gaz de Siemens. C'est un procédé précis, permettant par le dosage des charges (fontes, minerais, riblons), l'obtention d'un acier homogène et dont on peut déterminer la carburation. Conséquemment, il est bien adapté à la mise en oeuvre de fabrications spéciales. Mis au point dans la petite usine de Sireuil (Charente), le procédé est industrialisé par Félix-François Verdié, fondateur des Aciéries de Firminy et rapidement adopté par Terrenoire. La Loire dispose en 1869 de 16 fours Martin-Siemens sur les 24 installés en France. Notons enfin que ce procédé impose une métallurgie scientifique.