Monument Le Fusillé

Emplacement 

Square Stalingrad.

Notice historique 

Le 7 septembre 1969 Michel Durafour, député maire de Saint-Étienne, inaugure le "Monument départemental de la Résistance et de la Déportation de la Loire" : "si beau dans sa majestueuse sobriété (...) symbole de toutes les souffrances, de toutes les humiliations endurées par le peuple français." Moment d'émotion dont on peut s'étonner qu'il soit intervenu si tardivement.

La presse se fait à plusieurs reprises écho de cette "lacune".

Pour parvenir à cette inauguration, il faut traverser un quart de siècle agité durant lequel la mémoire de la Résistance est souvent un enjeu politique et idéologique.

Le projet a surgi tout naturellement dès la Libération, dans une forme plus modeste et en un autre lieu.

Une lettre du maire, Henri Muller, datée du 4 octobre 1944, nous apprend que "les FFI organisent une souscription pour les obsèques solennelles d'Élise Gervais, Béal et Garcia, torturés et assassinés par la Gestapo, qui ont eu lieu le dimanche 4 octobre et pour l'érection d'un monument dédiés à tous les patriotes de la Loire morts pour la Patrie."

En juin 1945 le conseil des adjoints propose d'installer le monument square Massenet, certains évoquant la place des Ursules, ou le square de Châteaucreux.

Le 28 août 1946, une liste est dressée : "Etat des patriotes fusillés par l'ennemi et inhumés à Saint-Étienne."

Les familles, quant à elles, s'étonnent que rien n'ait encore été fait. Un Comité est formé comprenant les conseillers municipaux Pralong et Masson.

Il propose, en novembre, de placer le monument sur le square nord de la place Fourneyron.

Des sculpteurs se mettent sur les rangs, des projets sont élaborés, parmi ceux-ci la représentation "d'un couple martyrisé".

Le 18 janvier 1947 le journal officiel publie un décret autorisant l'érection des monuments commémorant "des faits glorieux de la guerre 1939-45 à condition qu'ils ne comportent aucune partie sculpturale telle que statue, buste, médaillon, bas-reliefs, ronde bosse (...)".

La commission constate que "le projet aurait pu être achevé si la commission centrale des Monuments ne nous avait [adressé] une réponse qui remet en cause toutes les décisions prises antérieurement."

Le 4 janvier 1948, le général de Gaulle vient à Saint-Étienne poser la première pierre d'un monument destiné à rendre hommage à toute la résistance stéphanoise. "Cette cérémonie se situa place de l'Hôtel-de-Ville, elle était donc purement symbolique car ce n'est pas là que l'on prévoyait son érection" témoigne René Roinat à La Dépêche le 1er octobre 1965.

Mais le climat politique a changé. L'unité de la Résistance a vécu, de Gaulle dirige un parti politique, la Guerre Froide commence. Les communistes refusent d'assister aux cérémonies.

Dix ans passent avant que puisse être créé un nouveau Comité. Dix ans encore, et le 25 mai 1967 son président, Jean Thomas, écrit au maire Michel Durafour : "Le Comité a été fondé le 19 avril 1957, et malgré ses efforts il s'est toujours heurté à la difficulté qui finalement a remis en cause son véritable but".

Dans sa réponse à La Dépêche du 1er octobre 1945, René Roinat donne un exemple de ces obstacles, évoquant la maquette présentée par le sculpteur Salenche : "Une stèle de 7 mètres de haut représentant soit un poteau d'exécution, soit un mur, au pied duquel gisait un résistant enchaîné la tête renversée en arrière.

Monument qui devait être construit en pierre très dure et garder une sobriété très pure [mais] qui fut refusé par Paris qui voulait une image triomphante et glorieuse."

Le 31 mars 1968, intervient la décision finale du Conseil municipal. Son choix se porte sur le projet du sculpteur Salendre : "Un énorme bloc de pierre pesant vingt cinq mille kilos représentant un homme gisant mais acharné à rompre ses entraves. Le gisant a 1 m 50 de hauteur et une longueur de 3 m 20. Il sera étendu sur un socle qui aura 1 m 40 de hauteur."


Jean-Michel Steiner

A consulter aux Archives municipales 

Ouvrages :

BOUILLON (Jacques), PETZOLD (Michel), Mémoire figée, Mémoire vivante, les monuments aux morts, Charenton-le-Pont, 1999, 160 p. (6 C 200 1298).

FORISSIER (Nathalie), La Déportation dans la Loire, 1940-1945, Saint-Étienne, 2005, 199 p. (6 C 100 2221).

GARDES (Gilbert), Le monument public français, l'exemple de Lyon, Paris, 1986, 7 volumes (6 C 100 1112-1118).

GOYET (Françoise), MALOT (Philippe), Coeurs de pierre, Saint-Étienne, 1995, 93 p. (6 C 200 669).

LUIRARD (Monique), La France et ses morts, les monuments commémoratifs dans la Loire, Saint-Etienne, 1977, 165 p. (6 C 101 184).

Mémorial de la Résistance Loire, Boën-sur-Lignon, 1992, 144 p. (6 C 200 619).

Documents d'archives :

7 C 8 66 La Dépêche (1er juillet 1969-30 septembre 1969).

12 C 201 1 "Un monument de la Résistance à Saint-Étienne", in Le Résistant de la Loire, n°1, 1968, p. 2.

12 C 201 1 "Monument de la Résistance à Saint-Étienne", in Le Résistant de la Loire, n°5, 1969, p. 8.

12 C 201 1 "Inauguration du monument départemental de la Résistance et de la Déportation", in Le Résistant de la Loire, n°7, 1969, p. 3.

12 C 201 1 "Symbole de grandeur et de souffrance, le Fusillé, sera le témoignage de l'union de la Résistance", in Le Résistant de la Loire, n°8, 1969, p. 6.

12 C 201 1 "Un mémorial de la Résistance dans la Loire", Le Résistant de la Loire, n°96, 1991, p. 8-9.

DP 87 Dossier de presse.

12 M 4 Erection du monument aux morts de la Résistance : délibération, plan, correspondance, coupures de presse, 1947-1948.

12 M 10 Erection d'un monument aux morts de la Résistance et de la Déportation, square Stalingrad : correspondance avec le préfet et le comité d'érection, comptes rendus des séances du conseil des adjoints, correspondance avec les familles de résistants Gervais, Garcia et Béal, liste des fusillés, coupures de presse, plans de fontaines lumineuses, procès-verbaux de réunions, rapport, délibération du Conseil municipal, photographie de la sculpture de Monsieur Salendre, plans, aménagement de la place Stalingrad, 1944-1970.

Photographies :

1 Fi ICONO 125 Monument "Le Fusillé", à la mémoire des résistants déportés (janvier 1991).

2 Fi ICONO 1124 Le monument départemental de la Résistance et de la Déportation (1970).

2 Fi ICONO 2166-2167 Monument "Le Fusillé" à la mémoire des résistants déportés de 1940-1945 (1991).

6 Fi 540 Monument aux morts de la Résistance et de la Déportation, photographie extraite de l'article "Cérémonies pour le 30e anniversaire de la Libération de Saint-Étienne" (13 septembre 1976).

6 Fi 600 Monument aux morts de la Résistance et de la Déportation, photographie extraite de l'article "Un soleil d'automne inattendu a présidé aux cérémonies officielles de la Toussaint en présence de nombreuses personnalités" (2 novembre 1976).

12 M 10 ICONO 1-2 Monument de la Résistance et de la Déportation (décembre 1972).

12 M 10 ICONO 3 Monument de la Résistance et de la Déportation (mai 1970).

12 M 10 ICONO 5 Monument de la Résistance et de la Déportation (vers 1968).


 

Repères chronologiques 

28 octobre 1946 : Création d'un comité d'érection pour le monument.

8 janvier 1948 : La première pierre est posée par le général de Gaulle en visite à Saint-Étienne.

31 mars 1958 : Délibération du Conseil municipal autorisant la construction du monument sur le square Stalingrad.

1er octobre 1965 : Présentation de la maquette du monument à André Malraux, ministre d'Etat chargé des Affaires culturelles.

31 janvier 1968 : Dépôt du dossier pour la demande officielle d'érection du monument. Le dossier est accepté le même jour.

1er septembre 1969 : Le monument est installé square Stalingrad.

7 septembre 1969 : Inauguration du monument.