Une génération dans la guerre

Joseph, fils d’ouvrier stéphanois

Grâce au livre de recensement communal, on découvre plusieurs de ses caractéristiques physiques. Joseph a les cheveux châtain clair, les yeux bleus, le front moyen, le nez rectiligne et le visage ovale. Il fait 1,72 mètre et sa profession est électricien. De plus, on apprend que c'est un musicien, il joue du violon. Joseph Chosson habite chez ses parents au 10 rue Émile Littré à Saint-Étienne vers le musée d'art et d'industrie. C’est un vieux quartier ouvrier de Saint-Étienne et dans cette maison rénovée du début XXe siècle, résident aussi ses frères et sa sœur8.

L’aîné de la famille se nomme Jacques-Marie et a deux ans de plus que Joseph. Son petit frère, François est né cinq ans après lui, et est suivi de Jean-Marie-Madeleine et de Marie-Antoinette, la benjamine9. Joseph se préoccupe énormément de sa famille, il se soucie d’eux de manière constante10, demande des nouvelles quand l’un se fait mal, quand l’autre tombe malade. Joseph-Jacques-Marie est issu d'un milieu modeste et est recensé à la caserne de Saint-Étienne située à quelques rues en contrebas de sa maison, pour faire son service et ses classes. A travers ses lettres on comprend qu’il était très proche de l’un de ses petits frères, Jean, qui avait 12 ans. Joseph a confiance en lui, c’est à lui qu’il demande d’aller chercher des papiers administratifs qui le concernent à la mairie alors que ces tâches sont faites par les plus grands de la fratrie restés à la maison. Cela nous amène aussi à nous demander combien d’hommes de cette famille ne sont plus au foyer et sont partis à la guerre.

Jean, enfant de la bonne société marseillaise

Notre second personnage, Jean de Gaudemar, combattant de la Grande Guerre est né le 11 juillet 1895 à Marseille dans une famille noble. Il est le fils d’Adrien Victor François Joseph de Gaudemar, un avocat, et de Louise Aimée Jeanne Beaugrand. Les témoins de sa naissance furent messieurs Louis Philippe, Lieutenant au 61ème RI et monsieur Camille Vaulbert, chef d'Institution ancien adjoint au maire de la Ville de Marseille11. La profession du père et le réseau de sociabilité de la famille nous permettent de déduire que Jean est issu d'une classe sociale relativement aisée12.

Il grandit dans une famille de trois enfants. Il eut un frère le 7 octobre 1897 mais ce dernier mourut l’année suivante. En 1896 nait une petite sœur, Gabrielle Eugénie Adrienne, enregistrée le 3 août par l’état civil. Enfin, un autre frère Henri Georges nait le 13 janvier 1902. Après la guerre, le 16 juillet 1926, Jean épouse mademoiselle Juliette, Monique, Marie, fille de Henri Martin chef de bataillon, et de Jeanne, Marie de Poiterin de Maurillon. La belle famille de Jean confirme l’enracinement dans un milieu social élevé et dans le corps des officiers supérieurs de l’armée. Jean et Juliette auront deux enfants, Gérald Jean Léon né le 1 février 1928 et Edith née le 26 novembre 1929.

Sans la guerre, Jean et Joseph ne se seraient jamais croisés et leurs destins seraient demeurés bien étrangers l’un de l’autre. Bien sûr, ils ne sont pas engagés en même temps dans la campagne d’Orient mais il y a de grandes chances qu’ils se soient croisés lors de leurs classes, tous deux affectés au même moment, au même endroit, à la caserne de Saint-Etienne à la fin de l’année 1914.